Dossier spécial
États des lieux de notre système de retraite
Les régimes de retraite par répartition se voulaient équitables et se basaient sur une pyramide des âges et des postulats d'après guerre. Le système trouvait son équilibre dans un contexte qui a depuis, fortement évolué. Qu'en est-il aujourd'hui ? Quelle est la situation des régimes de retraite ? Quels impacts sur le niveau de vie des retraités ? Quelles évolutions à venir ? Nous vous proposons une analyse élargie de l'état du système des retraites français.
1Des régimes de retraite moins généreux
La proportion grandissante de retraités en France a nécessité une succession de réformes afin d'équilibrer le système des retraites. Mais cet équilibre est loin d'être assuré et il se fera au prix d'efforts demandés aux retraités. Les pensions de retraite ne pourront plus à l'avenir offrir le même niveau de vie qu'aujourd'hui.
En 2050, le nombre d'habitants en France âgés de plus de 65 devrait avoir augmenté de 8,6 millions, selon l'Insee, tandis que le nombre des 25-65 ans, en âge d'être actifs, devrait diminuer de 588.000 et ils ne représenteraient plus que la moitié des habitants. La baisse continue du rapport cotisants / retraités observée depuis des années est amenée à se poursuivre au cours des prochaines décennies, selon le Conseil d'orientation des retraites (COR) : il atteignait le chiffre de 4 en 1960, a chuté à 1,76 aujourd'hui et est attendu à environ 1,3 vers 2060. En conséquence, les gouvernements successifs se sont attelés au redressement du système des retraites français. Au prix d'efforts demandés aux futurs retraités.
Après la réforme des retraites de 2010, l'âge moyen de départ à la retraite a ainsi vocation à progresser pour atteindre près de 64 ans à la fin des années 2030 (un âge égal à celui observé en 1966), contre 62 ans en 2018. Mais l'espérance de vie à 60 ans poursuit aussi sa progression : le rythme est d'un trimestre gagné tous les deux ans ! Les retraités le sont donc de plus en plus longtemps (23 ans aujourd'hui) et sont ainsi de plus en plus nombreux : 613.500 personnes ont rejoint les rangs des retraités (de droit direct) en 2016, leur nombre a été multiplié par près de 5 en 50 ans et ils devraient être entre 20 et 22 millions vers 2040, contre 16 millions actuellement.
Or dans le même temps, l'augmentation de la population active (donc des cotisants) va sérieusement s'essouffler : elle a été fortement tirée depuis le début des années 2000 par la hausse de l'activité des femmes, des jeunes dans une moindre mesure et surtout des seniors, selon le COR. Elle passerait ainsi de +172.000 par an à +62.000 par an entre 2015 et 2040.
La France se distingue au sein de l'OCDE
Les comparaisons internationales font d'ailleurs apparaître une vraie spécificité de la France dans ce domaine : une étude récente de l'OCDE conclut que la France affiche l'âge de sortie du marché du travail le plus précoce des 35 pays membres de l'OCDE (64,4 ans en moyenne dans ces pays) et en conséquence la durée de la retraite la plus longue (20,3 ans en moyenne).
2La situation financière des régimes de retraite se redresse...très progressivement
Dans ces conditions l'équilibre du système de retraite reste précaire, mais est en voie d'amélioration grâce aux réformes entreprises.
Malgré la hausse entre 2002 et 2012 des ressources qui leur ont été affectées, les dépenses des régimes de retraite de base ont été supérieures : alors qu'il était jusqu'en 2007 excédentaire, le solde est devenu négatif à partir de 2008 du fait de l'arrivée en retraite des générations nombreuses du baby-boom.
Depuis, « les réformes ont donc agi sur les trois leviers d'équilibre de la répartition » relève la lettre du Conseil d'orientation des retraites de février 2017 : « Entre 2003 et 2060, la hausse de l'âge moyen de départ à la retraite permettrait de couvrir un peu plus d'un tiers du besoin de financement lié au vieillissement, la hausse du taux de prélèvement global un peu moins d'un quart et la baisse de la pension moyenne relative entre un peu plus d'un quart et les deux tiers ».
Cependant, les dernières prévisions du COR de novembre 2017, qui couvrent la plupart des régimes de retraite obligatoires, anticipent que le solde financier du système de retraite resterait négatif à moyen terme : entre 2016 et 2022, son besoin de financement passerait de 0,2 % à 0,3 % du PIB. Il serait même supérieur à 0,5% du PIB vers la fin des années 2020, sous l'effet principalement de la baisse des ressources en pourcentage du PIB, qui atteignent aujourd'hui 13,8%. Le COR fonde ces perspectives financières sur différentes variables économiques, démographiques et réglementaires.
Il établit en particulier plusieurs scénarios à long terme, en fonction de l'évolution de la productivité du travail (avec une hypothèse commune de taux de chômage de 7% à long terme). Dans les deux scénarios les plus favorables le système de retraite reviendrait à l'équilibre soit en 2037, soit au milieu des années 2040, puis dégagerait des excédents. Mais dans les deux autres scénarios, le système de retraite resterait dans le rouge « durablement » (les projections du COR courent jusqu'à 2070…).
Les comptes des régimes de retraite des salariés du privé se redressent !
L'Agirc et l'Arrco ont fait l'objet de mesures d'économies, décidées en octobre 2015, et un régime unifié Agirc-Arrco verra le jour le 1er janvier 2019. En conséquence, ils pourraient sortir de l'ornière : à un déficit de 2,2 milliards d'euros en 2016 devrait succéder un excédent de 1 milliard en 2019. Dans trois scénarios sur quatre du COR, les excédents vont croître dans les décennies à venir.
3Le niveau de vie des retraités va devenir inférieur à celui des actifs
Si le niveau de vie* moyen des retraités est supérieur à celui des actifs (de 6% en 2016), la tendance devrait bientôt s'inverser.
Après avoir cru depuis 1996, il devrait fléchir à partir de 2020 pour ne plus représenter en 2040 que 95,2% de celui des actifs, selon le rapport 2017 du COR. En cause, la baisse relative de la pension nette moyenne, indexée sur l'inflation, au regard des salaires, qui croissent plus vite que les prix : le taux de remplacement du salaire net de fin de carrière par rapport à la pension de retraite passerait de 80,5 % pour un salarié non cadre né en 1940 à 67,3 % pour celui qui est né en 1980. Plus globalement, le COR voit la « pension moyenne relative au revenu d'activité moyen » chuter de 52% aujourd'hui à 40-45% (selon ses scénarios) à la fin des années 2030.
Les pensions de retraite ne vont cependant pas baisser, mais elles augmenteront moins vite que les revenus d'activités. La perte de pouvoir d'achat au moment du passage à la retraite sera donc plus forte à l'avenir qu'aujourd'hui.
Qu'est ce que l'indicateur de niveau de vie ?
*L'indicateur de niveau de vie est calculé au niveau du ménage, et il tient compte d'autres revenus que les pensions de retraite et les revenus d'activité (revenus du patrimoine, autres prestations sociales, etc.) ainsi que de la structure des ménages (nombre d'enfants à charge, notamment). Le niveau de vie des retraités est supérieur à celui des actifs, mais le montant moyen des pensions de droit direct des retraités représente ainsi, fin 2015, 66,6 % du revenu d'activité net moyen de l'ensemble des personnes en emploi en 2015 (Les retraités et la retraite, Edition 2017, Drees).
4Vers un système de retraite unifié
La nouvelle réforme des retraites voulue par le président Emmanuel Macron est sur les rails. Les discussions entre le gouvernement et les partenaires sociaux ont débuté au printemps 2018. Le projet devrait être présenté à l'été 2019. Une quarantaine de régimes de retraite cohabitent aujourd'hui : régimes de base, régimes complémentaires, régimes du privé, de la fonction publique, des travailleurs indépendants, régimes spéciaux dont bénéficient certains corps de métier (employés de la SNCF, d'EDF/GDF, militaires, etc.). L'objectif est de mettre progressivement en place, en une dizaine d'années, un système unique et équitable.